« tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat »
L’extrait qui suit est tiré de la pièce de théâtre Rhinocéros écrite en 1959 par Eugène Ionesco.
Le Vieux Monsieur est atteint par la « rhinocérite », tout comme le Logicien... Ionesco utilise, pour symboliser une dérive d’un mode de pensée, un dérèglement de la parole avec un passage significatif qui est le discours du Logicien au Vieux Monsieur. En effet ce passage est une série de faux syllogismes utilisés par le Logicien pour « séduire » le Vieux Monsieur et le convaincre de la grandeur de la logique. Extrait :
« Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Je vais vous expliquer le syllogisme.
Le Vieux Monsieur
Ah ! oui, le syllogisme !
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Le syllogisme comprend la proposition principale, la secondaire et la conclusion.
Le Vieux Monsieur
Quelle conclusion ?
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats.
Le Vieux Monsieur, au Logicien.
Mon chien aussi a quatre pattes.
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Alors, c’est un chat.
Le Vieux Monsieur, au Logicien après avoir longuement réfléchi.
Donc, logiquement, mon chien serait un chat.
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
Le Vieux Monsieur, au Logicien.
C’est très beau, la logique.
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
A condition de ne pas en abuser...
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
Le Vieux Monsieur
Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.
Le Logicien
Vous voyez...
Le Vieux Monsieur, au Logicien.
Socrate était donc un chat !
Le Logicien, au Vieux Monsieur.
La logique vient de nous le révéler. »
Source : Eugène Ionesco, Rhinocéros, Éditions Gallimard, 1959, p. 33 à 47.